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Après avoir fait fortune dans les télécommunications, l’homme d’affaires anglo-soudanais Mo Ibrahim est devenu une référence sur la gouvernance en Afrique avec la Mo Ibrahim Foundation, dont le prix salue chaque année les dirigeants les plus vertueux. Le Monde l’a interrogé sur la guerre au Soudan, son pays d’origine, à l’occasion du Forum de Paris sur la paix et alors que le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni mardi 12 novembre pour évoquer ce conflit.
Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord comprendre les motivations des deux généraux [Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane et Mohammed Hamdan Daglo, alias « Hemetti »] : ils se battent pour le pouvoir et l’accès aux ressources. Rien ne les fera reculer. En tant que communauté internationale, nous n’avons pas d’autre choix que d’agir de manière forte.
L’inaction des Nations unies fait que la situation au Soudan empire jour après jour. En plus des deux généraux, vous avez désormais une multitude de seigneurs de guerre qui pullulent dans le pays.
Enfin, plus l’inaction de la communauté internationale se prolonge, plus on verra d’acteurs extérieurs s’ingérer dans cette guerre. Le Soudan est en plein chaos et il est temps d’y mettre de l’ordre. A quoi sert l’ONU si c’est pour ne pas agir dans ce type de guerre ? Si le Conseil de sécurité de l’ONU ne s’implique pas dans une situation comme au Soudan, je me demande à quoi sert cet instrument.
C’est assez simple, il doit prendre ses responsabilités et respecter son mandat. Il doit y déployer une force pour protéger les Soudanais. Le Conseil de sécurité doit adopter une résolution très claire, qui doit permettre d’assécher les sources d’approvisionnement en armes et en financement des deux camps, à travers par exemple un nouvel embargo sur les armes.
Deuxièmement, cette résolution doit permettre l’établissement de zones protégées au Soudan, pour offrir un havre de paix aux populations déplacées, qui se trouvent le plus souvent contraintes à la migration.
Au Soudan, aucune des parties ne respecte le droit humanitaire. L’aide alimentaire et les médicaments ne transitent pas car il n’y a pas de sécurité. C’est une zone de non-droit. Comment peut-on accepter cela ? Il en va de notre responsabilité de créer des zones protégées et des couloirs humanitaires. Seules les Nations unies peuvent autoriser cela.
Le Conseil de sécurité est polarisé entre l’Occident et la Russie, et parfois la Chine. La solution doit donc venir des membres africains du Conseil. Si l’idée d’une résolution vient du continent, ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni la Russie n’opposeront leur veto.
A ma connaissance, l’Afrique a des sièges au Conseil de sécurité de l’ONU [généralement trois, actuellement occupés par le Mozambique, l’Algérie et la Sierra Leone]. Pourquoi alors ne pas demander l’établissement et l’envoi d’une force internationale ? A quoi cela sert aux Africains de demander des sièges permanents à l’ONU, si ce n’est pour être actifs dans ce genre de dossier ?
Sur ce point, ne sous-estimez pas l’ampleur de ce conflit. L’ampleur du désastre humanitaire est largement supérieure à ce que la communauté internationale déplore en Ukraine et dans la bande de Gaza. Les conséquences sont déjà là. Les flux migratoires déstabilisent la région [plus de deux millions de Soudanais ont trouvé refuge hors du pays, alors que 12 millions sont déplacés internes]. Demain, c’est l’Europe qui sera impactée.
Que fera l’Europe lorsque des millions de Soudanais viendront en provenance du continent ? La crise ne se limite pas au Soudan. C’est pour cela que tout le monde, y compris l’Union européenne et l’ONU, doit se mobiliser. D’autant que la guerre au Soudan renforce l’existence d’un arc du chaos en Afrique, qui s’étend du Sahel à la mer Rouge. Agir est donc indispensable.
Noé Hochet-Bodin
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